Lever à 2h30, la nuit a été courte. Il y a déjà de l'agitation dans le refuge et avant de partir, on se dirige vers la grande salle commune pour y prendre le petit déjeuner et faire remplir sa gourde de thé chaud. Je range une bonne partie du contenu de mon sac dans un casier du dortoir et nous prenons pied sur le glacier juste derrière le refuge. Encordement et départ sur l'arrête de l'Aiguille. On aperçoit dans la montée vers le Dôme la guirlande des lampes de nos prédécesseurs qui s'échelonnent dans la pente. La montée est dure, les pieds douloureux m'arrachent de vilaines grimaces.
3 heures pour atteindre le Dôme au moment où les premières lueurs de l'aube apparaissent à l'EST. Le Dôme du Goûter est une très vaste étendue blanche, sans autre repère que la trace laissée par les passages des alpinistes. Aujourd'hui, le temps est clair mais gare à l'imprudent qui s'y trouverait par temps de neige ou de brouillard sans carte ni boussole pour s'orienter.
On s'accorde quelques minutes d'arrêt, puis on passe le col du Dôme et on reprend la montée jusqu'au refuge Valot situé sur un éperon rocheux. Une pause, thé déjà tiédi et barres de céréales au menu. La température est très froide, de l'ordre de -10 à -15°C, mais le vent est heureusement quasiment nul.
Nous sommes maintenant à 4.362 m d'altitude. Nous reprenons notre progression vers les Bosses, Grande (4.486 m) et Petite (4.513 m).
Les grimpeurs se succèdent sur les arrêtes. Plus haut, au lieu-dit "La Tournette", la voie oblique vers l'est en une assez large trace (une cinquantaine de centimètres !) sur une arrête qui monte tout droit vers, pense-t-on, le sommet.
Erreur, ce que l'on croit être le sommet n'est en fait qu'un changement dans la pente qui le masque, il est encore plus loin ; mais passé ce point, la pente s'adoucit et il est cette fois vraiment proche.
Il est 9h30. Le sommet est assez vaste ; le temps est calme et superbe, le ciel d'un bleu profond pratiquement sans nuage ni vent, une situation exceptionnelle.
Boire, manger et surtout, surtout, profiter pleinement du spectacle que nous procure le fait d'être sur le plus haut sommet d'Europe (à l'exception de l'Elbrouz situé dans le Caucase et qui atteint 5.416 mètre d'altitude) ; la vue est unique de ce point qui domine tout. L'Aiguille du Midi qui nous paraît si haute quand on la regarde de la vallée nous semble toute petite, 1000 m plus bas.
Je suis heureux d'avoir enfin pu fouler le sommet de cette montagne mytique. Mais cette réussite, je la doit beaucoup à la gentillesse de Denis qui a pris sur lui de m'aider dans les portions les plus rudes que j'aurais eu du mal, vu l'état de mes pieds, à franchir sans aide. Je lui en suis très reconnaissant.
Avec Christian et Stéphane, nous logerons encore au refuge de Tête Rousse ; nous redescendrons demain jusqu'au Nid d'Aigle où nous reprendrons le TMB, Christian et Stéphane jusque St Gervais et moi jusque Belleville.
Au moment de reprendre le téléphérique des Houches, j'ai confirmation que les prévisions météo pour cette journée étaient exactes : un alpiniste me le confirme, il n'a pas pu monter ce matin.
Au retour, 3 semaines seront nécessaires pour guérir mes blessures. Mais de ces 3 jours passés en montagne, il reste finalement d'excellents souvenirs et une immense satisfaction.